jeudi 29 novembre 2007

Journal de Maré de juillet à novembre 2007

La Roche, le 13/09/07

Pierre-Jean et Anne-Violaine

Chers tous,

Presque aboutie en septembre, la rédaction de ce journal va être bousculée par notre agression, pour se terminer le 23 novembre en métropole. Il a le mérite de tout dire pour ceux qui veulent savoir, mais il peut tout aussi bien caler une table de chevet, cela ne froissera que le papier !

Dimanche 29 juillet : Nous descendons à « la cité balnéaire », c’est-à-dire Tadine pour un dîner chez des amis du club de plongée. En fait, la cité balnéaire du sud s’oppose à la partie nord de l’île plus rurale… Nous au Nord, nous sommes les hommes du plateau, eux, sont presque des citadins, ça fait toute la différence ! Eux, ils ont les plages, les magasins, le marché, la mairie… Nous, nous avons l’aérodrome, et puis… et puis tout ce que l’on n’a pas encore découvert !

Juste avant de partir, nous accueillons le nouveau Principal du Collège, Yvon Kervern, un breton. Le Pacifique est infesté de bretons. Il est arrivé avec deux valises en tout et pour tout. Je connais des bretonnes qui voyagent moins léger… Réservé, nous le percevons toutefois sympathique et un peu paumé… Il est vrai qu’à Maré, que l’on soit breton ou d’ailleurs, on débarque toujours !

Lundi 30 juillet : Anne-Violaine arrête l’alcool, la plongée, le chocolat… euh, non ! Pas le chocolat ! Bonnes résolutions ? Maladie ? Toquade toute féminine ? Vous approchez… Etat de sainteté ? Vous brûlez… Etat d’enceinteté ? En plein sur la tête du petiot !!! Nous sommes alors très heureux de vous annoncer officiellement qu’Anne-Violaine est enceinte – cette nouvelle aurait dû vous parvenir mi-septembre... Aloha est peut-être moins ravie… mais chut ! Elle n’est pas encore au courant ! Quand elle le saura, elle risque de nous passer un sacré savon ! Du genre : « alors comme ça, je ne vous suffis pas ! Et comment vous allez payer mes études ?! Ah bah ! S’il faut une demi-portion pour une part fiscale supplémentaire c’est petit ! Ah ! On ne peut pas avoir le dos tourné cinq minutes hein ? Il faut aussitôt que vous en profitiez ! ». Nous hausserons les épaules et laisseront, le dos rond, l’orage passer...

Samedi 4 août : Nous invitons Yvon à manger à la maison. Nous entamons ensuite un tour de l’île pour initier le Principal au modus vivendi de Maré : marchés pour faire le plein de légumes, magasins en tôle à reconnaître dans la brousse pour survivre, routes à reconnaître car il n’y a plus de panneaux, coutumes à entreprendre pour aller à certains endroits, pompes à essence à repérer cachées derrière des hibiscus, horaires aléatoires des guichets pour le téléphone et l’électricité, etc… Nous commençons par Tenane (au nord) avec son marché et sa petite crique en suivant un certain chemin. Je me fais l’intermédiaire pour effectuer la coutume entre le vieux Kaloï et Yvon. Nous continuons notre route vers l’ouest avec la tribu de Padawa, de Nece : Magasin et pompes à essence « Chez Sophie » = lorsqu’il y a pénurie d’essence sur l’île, il en reste toujours un peu chez Sophie car elle a les cuves les plus profondes de l’île… les pompes, pas Sophie ! Mebuet : Magasin de la femme de notre chanteur fétiche. Cette route avance entre le littoral d’un côté, et le plateau à gauche dont les coteaux sont creusés de grottes à roussettes (chauve-souris, faut-il le rappeler ?). Nous arrivons à Tadine où nous présentons les rudiments de la survie à Yvon : le port pour le fret maritime, la mairie pour les démarches administratives aussi lentes qu’aléatoires, le Magasin « Trop Tard » dont le nom est à lui-seul tout un programme ! La gendarmerie qui est fort discrète, la pharmacie et sa pharmacopée toute occidentale... Nous embrayons sur la plage de Pédhé que nous lui présentons comme très calme et très belle. Une voiture garée à l’entrée du chemin nous indique qu’il y a du monde sur la plage, premier bémol. Une voiture garée sur la plage nous indique qu’il y a des ivrognes à la dérive, deuxième bémol. Effectivement, un autoradio hurlant par toutes les portières pollue le site en plus des cadavres de canettes de bière (Number one) jonchant le sol… Des amis font un barbecue à l’autre bout de la plage. Nous allons les saluer. Ils nous font part de leurs difficultés à se débarrasser des poivrots ! En effet, ces derniers ont été tout d’abord agressifs (tu m’étonnes ! ils les ont pris pour de sauvages touristes !). Puis, après s’être aperçus de leur méprise, ils n’ont eu de cesse de leur demander pardon à deux centimètres de leur nez, dans de grandes explications, soufflant tantôt le chaud et tantôt... encore le chaud… Et tel le capitaine Haddock et son morceau de scotch au bout des doigts, ils n’ont pas réussi à se défaire de ces repentants avinés à l’haleine lance flammes… Les guides (P.J et A.V), effondrés, ont remis Yvon dans la voiture en évacuation sanitaire. Nous continuons la route vers Cengeité et ses longues plages de sable fin et ses eaux limpides. Sauf que la mer s’est complètement retirée du mini lagon à cause de la grande marée… J’imagine les doutes peu à peu poindre dans la tête du Principal quant à notre qualité de guide ! Nous finissons la route dans la tribu de Eni (sud-est). Une fête dans la tribu nous permet d’effectuer facilement une coutume puisque Porte-Parole, Petit-Chef et Grand-Chef sont là. Moi, je fais office de Porte-Parole du Grand-Chef Yvon. Je dépose le tissu (manou), un billet de 1000 fr et le petit discours avec « crainte et humilité ». Je passe le relais au Porte-Parole du Grand-Chef, qui fait le discours d’acceptation. Une improbable complicité se noue entre mon collègue Porte-Parole et moi : pour la circonstance, on fait en quelque sorte le même boulot ! La nuit commence à tomber. Yvon est à la fois ébloui, intrigué et interrogatif sur tout ce que l’on a vu, dit, entendu cet après-midi. Que d’informations à digérer, de particularismes à appréhender, de logiques à construire et déconstruire ! Pour finir en beauté, je propose à Yvon d’aller dans un Nachamal interlope (prononcer nakamal). A.V et moi n’y sommes jamais allés, c’est l’occasion pour nous tous de découvrir ce lieu où l’on boit du Kawa. Le Kawa est une racine, qui vient du Vanuatu, essorée dans l’eau à la main, et qui est bue de manière cérémonielle dans toutes les îles du Pacifique pour sceller une alliance, accueillir un étranger, marier une fille, parfois les trois en même temps ! Nous entrons dans une case éclairée par une lumière tamisée… un lumignon rouge. Derrière un bar de fortune, un homme nous invite à nous installer dans les banquettes de voiture qui tiennent lieu de fauteuils. Sur une table basse, des morceaux de papaye et de banane dans une assiette nous font penser que, soit ces fruits se marient bien avec le Kawa, soit ils servent à faire passer le goût infect du breuvage. Anne-Violaine est dispensée de Kawa car on ne connaît pas les effets sur les femmes enceintes : Tiens ! En voilà un beau sujet de thèse de doctorat en médecine ! Aloha est sage comme une image. Elle vaque à ses petites affaires tout en observant les Grands. Yvon et P.J se lèvent. Ils prennent leur courage, et leurs demi-noix de coco remplies de Kawa, à deux mains. Le breuvage doit être bu d’une traite selon les usages coutumiers, pas le droit au sirotage ! D’ailleurs, qui y songerait ? Euh… Seule A.V, c’est vrai, qui trempe ses lèvres dans ma bolée juste pour connaître le goût. Yvon et P.J vident leurs cocos gaillardement. Puis, chacun fait part de ses impressions : Un fort goût de terre poivrée, un effet légèrement anesthésiant dans la bouche. Mais le rideau de la porte d’entrée de la case s’entrouvre : Le Porte-Parole et le Petit Chef de Eni font leur entrée. Nous sommes chaleureusement invités à boire une deuxième tournée ! Nous retenons notre respiration et buvons la coupe jusqu’à la lie… Nous piquons nerveusement dans l’assiette 2-3 rondelles de bananes pour faire passer la purge. Et en plus, il faut faire du social, en discutant avec nos bienfaiteurs malgré notre langue anesthésiée, ce qui ne facilite pas la compréhension déjà peu aisée en temps normal ! Il s’ensuit des quiproquos magnifiques aux silences éloquents où chacun, de toute façon, acquiesce sans demander d’explications. Je repense tout à coup en souriant intérieurement à la fameuse liqueur de crapaud dans « les bronzés font du ski ». Mais mon sourire se fige bien vite… Le rideau de la porte d’entrée de la case s’entrouvre à nouveau : le maire et un acolyte viennent discuter affaires en buvant du Kawa. Nous sommes alors très convivialement invités à boire… une troisième tournée !!! Nos esquives verbales sont aussi inutiles qu’inaudibles, nos langues comme des bibendums Michelin. Sous nos yeux larmoyants, impuissants, nos petites cocos sont alors rincées consciencieusement une énième fois dans le grand bouillon de culture de la bassine commune, avant d’être copieusement remplies du noble breuvage. Un grand silence s’allonge comme un indochinois opiumé sur une banquette. Les grandes douleurs sont muettes. Seul un frisson vient secouer nos carcasses engourdies. Il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire, plus rien à espérer… D’ailleurs, paroxysme du désespoir : l’assiette de fruits est vide… aucun rafraîchissement à l’horizon… La carbonisation sera totale.

Dimanche 5 août : Ce midi, nous mangeons chez Christophe et Angie. Elle a préparé un assortiment de plats indiens. En entrée, elle a confectionné des rouleaux aux feuilles de taro ! Elle avait aperçu ces feuilles au bord de la route. Christophe a fait la coutume pour avoir l’autorisation d’en arracher, au grand étonnement des propriétaires qui ne les utilisent que pour leurs bouquets… Ces pauv’ Zoreilles (les Zoreilles désignent ceux qui viennent de métropole sans être né en Calédonie) ! ont-ils dû penser, ils en sont réduits à manger des feuilles ! Après le repas très copieux, nous descendons à la plage. Mais Christophe et Angie ne s’attardent pas : il y a Interville à la télé, et ça, comme la vache, c’est sacré ! Nous avons du mal à faire comprendre à Angie notre indifférence totale pour Intervilles !

Mercredi 8 août : Un tournoi de Tennis est organisé entre copains (en sélectionnant ceux qui savent jouer), soit 8 participants ! Il suffit de prononcer les mots de « tournoi » et de « «match » pour que naisse la compétition entre nous. Ah ! Ces humains, tous les mêmes ! C’est donc fébrilement que P.J se rend à son premier match. Valérie, son adversaire affûtée, est tout aussi nerveuse. Chacun à son fan club autour du terrain. Toffee a les quatre pattes en l’air sur la pelouse, est-ce un mauvais présage ? Pourtant, P.J a mis toutes les chances de son côté car ce midi, il a bu une tisane « Jambes légères »! Notre match a duré plus d’1h30. Valérie a craqué 6/3 6/1 ! A-V et Aloha sont fières de Sonpapa, mais ne le montrent pas trop pour ne pas agacer le clan Lanthony vaincu. Et chacun de féliciter posément et fort civilement son adversaire. C’est seulement une fois dans la voiture et la portière claquée que nous avons pu hurler la joie de notre victoire à en faire péter le joint de culasse ! L’ivresse au volant n’est pas toujours celle que l’on croit, mais elle est tout aussi dangereuse dans les tournants !!!

Jeudi 9 août : P.J se rend à La Foa pour une réunion d’Agents comptables. Retard de l’avion à Magenta, P.J rate le bus qui devait l’emmener à La Foa. Il essaie de se rendre à pied au Collège de Magenta, mais on lui indique en toute bonne foi un autre Collège… Une bonne âme le ramène en voiture au bon Collège. Du Collège, P.J téléphone pour louer une voiture : sans succès tout est loué, sauf des camionnettes. Ultime recours, P.J appelle la bonne Nady. Elle est clouée au lit par une grosse grippe, et sa fille a pris sa voiture pour laisser la sienne au garagiste. P.J est prêt à se résigner. Il téléphone une dernière fois à une agence de location, et tout se débloque : une voiture est libre, et l’entrepôt est à 10 mn à pied. Il était important d’être à cette réunion pour discuter de ma candidature au Poste de Lifou. Lors du dîner pris à Sarraméa, les collègues me confient que j’aurais du faire le forcing dès le début auprès du Vice-Rectorat, au lieu de simplement faire suivre administrativement ma demande... J’ai appris les rouages d’un système de connivence, mais tout cela m’agace un peu. Et c’est la voiture de location qui trinque : P.J regagne en trombe Nouméa, écrasant sa rancœur comme on appuie sur le champignon. Avant de prendre l’avion une heure plus tard, P.J achète un tuba pour A.V qui se noie avec le sien, des tennis pour lui car maintenant c’est un champion, une bombe d’arnica car Aloha marche dare-dare, et puis craque complètement dans sa boutique fétiche d’art papou. En 5 mn , il achète un meuble en teck et une statuette rare… Le budget des vacances de septembre vient de partir en fumée…

Vendredi 10 août : Horreur – Une coupure d’émission TV nous prive des 20 dernières minutes du Docteur House, au moment du diagnostic. La TV, en salle de réanimation nous tient sous perfusion. 30 mn plus tard, l’image réapparaît, mais le Dr House paraît déformé et chante le Petit Bonhomme en mousse ! Réalisant la supercherie, nous coupons le sifflet à Patrick Sébastien pour aller nous coucher.

Samedi 11 août : P.J commet la terrible erreur de ne pas boire de tisane « jambes légères » avant son match de demi-finale du tournoi de Tennis de Maré. Un homme est à terre. Le clan adverse, après avoir esquissé de magnanimes compliments, se dépêche de monter dans leur voiture d’où s’échappent déjà je ne sais quels cris de bête à s’en faire péter la tête de delco… Aucune décence…

Dimanche 12 août : Pique-nique à la plage de Pédhé avec Pascale, Thierry et leur petit Romain. Il fait une chaleur étouffante, mais comme on est au milieu de l’hiver, on subit en faisant bonne figure car la bienséance exige de ne pas se plaindre, rapport aux pauvres métropolitains… Nous plongeons à 2 car Pascale nous garde le Lapin. Aloha apprend les rudiments du jonglage et apporte une variante acrobatique avec sa bouche. Puis, nous faisons du Kayak dans le coucher de soleil.


Lundi 13 août : Dernier cours pour Anne-Violaine. La formation à laquelle elle contribuait va s’arrêter faute de combattants… plus que 2 élèves. En effet, les filles tombaient enceintes les unes après les autres… Si ventre affamé n’a point d’oreille, force est de constater que ventre arrondi non plus, puisque le fait d’être enceinte leur a fait quitter la formation. Le bilan de cette aventure est tout de même plutôt positif. Au niveau humain, A.V a fortement apprécié son contact avec « ses filles », et c’était réciproque. Au niveau intellectuel, A.V a autant appris qu’elle a enseigné, sur l’Histoire de la Nouvelle Calédonie, les Institutions calédoniennes et européennes, toutes les démarches administratives à suivre dans les besoins quotidiens d’une famille. Et Dieu sait si l’Administration ici est très lourde, dévoreuse de papier, masquant avec peine son incompétence derrière des postures tatillonnes… hélas plus qu’en métropole. Au niveau financier, c’est un fiasco ! Entre les heures passées à préparer les cours (au moins 3h pour 1h de cours !), la rémunération de la baby-sitter (y compris pendant les heures de préparation de cours), et les charges sociales de la CAFAT (presque 1/3 du salaire), le bilan est, au mieux, quasi-nul.

Mardi 14 août : Visite de routine au Dispensaire pour Aloha. Le Lapin a graissé de 600g malgré une vilaine prémolaire qui perce depuis 15 jours ! Depuis qu’elle marche, elle vaque partout dans la maison et le jardin à ses petites expériences. Il n’y a pas, pour l’instant de catastrophe dans ses explorations, mis à part l’étalage des soutiens-gorges de Samaman sur la voie publique. Mais bon, il faut relativiser, Toffee avait fait étalage de sous-vêtement sur la pelouse de notre maison donnant sur le parking et la salle des professeurs à Sallaumines. Un agent, le rouge au front, s’était alors fait le devoir de prévenir P.J dans son bureau… Par ailleurs, Aloha a une sainte manie : elle aime ranger après avoir fait l’étalage de toute sa richesse. Quand elle fatigue, elle prend son Popi ou un doudou pour s’asseoir dans les pattes à Toffee. Quant à Toffee, on peut dire qu’il pète la santé dans la mesure où il a, à nouveau, assez de force pour écumer les poubelles de l’internat… Du coup, le matin, le salon est rempli de méthane. Un geyser de biocarburant !

Mercredi 15 août : La fête de l’Assomption se déroule à Rawa. L’événement se prépare là-bas depuis quelques mois. Les hommes de la tribu sont réquisitionnés tous les samedis après-midi pour édifier un oratoire sur un rocher consacré et en haut duquel ils ont percé une cavité où trône une sainte Vierge de l’Assomption. Des fleurs sont plantées dans chaque anfractuosité du rocher. Une petite chapelle de plein air toute pimpante y est accolée. Un grand espace a été entièrement débroussaillé au pied d’un grand banian d’où nous suivons la messe. Yvon, le Principal, s’est laissé embarqué dans la procession précédant la messe et qui démarrait à 7h00 à La Roche. Nous nous sommes contentés d’arriver à 10h30 pour la messe, à cause de la petite bien sûr ! Ceux qui ont marché pendant 3 heures ont droit à un bol de café avec des tartines à la margarine fondante… La messe s’étoffe de 6 baptêmes ! Augustine, Thérèse, Marie-Louise, Athanase, Jonathan, et Madeleine ont été copieusement rincés ! A la fin de la messe, les discours de coutume se succèdent pendant une heure. On sent que le Petit-Chef s’est mis sur son 31, mais cela donne quelque chose d’assez psychédélique : chemise orangée, pantalon de jogging en satin bleu électrique, et une tong élimée à un seul pied… Du coup, P.J se sent plus à l’aise avec sa chemise non repassée, c’est déjà ça !

Puis, nous sommes conviés au repas. Comme d’habitude, il s’agit d’un festival d’entrées de poissons et de crudités, suivies d’un festival de plats de résistance de cochon, poulet, bougnia, grillades, … Comme d’habitude, le Lapin picore quelques bouchées de langouste avant de traiter ses petits dossiers. Son cerveau doit gérer une situation complexe : l’envie d’aller découvrir tout ce qui l’entoure, la peur de sa propre audace, l’envie de jouer avec les enfants sans savoir comment faire, la peur de voir ces mêmes enfants s’approcher d’elle pour toucher ses cheveux, lui pincer la joue, la prendre par la main, lui sourire, lui faire les gros yeux, répéter 100 fois à l’envi « Aloha ! »… Une cohorte se forme autour de la table, c’est l’arrivée du dessert ! Une colonne de mélanésiennes en procession porte de gros gâteaux (grosses génoises au beurre), suivis de glaces, de fruits. Et pendant qu’elles font joyeusement le tour de la tablée, les convives applaudissent en rythme. P.J obtient du Petit-Chef l’autorisation de faire connaître aux gadas (= blancs) qui nous accompagnent le magnifique Banian multiséculaire (que vous connaissez déjà ; cf courrier précédent).


Jeudi 16 août : Dispensaire en famille à 10h30. A.V, P.J, et Aloha sont venus pour une échographie du bébé. Aloha paraît intéressée par les images de l’échographe, alors, au cas où, P.J lui explique. Le bébé se porte bien, on le distingue nettement ainsi que son petit cœur qui bat. Il a maintenant 2 mois : pas de doute, il s’agit bel et bien d’un nouveau Lapin ! Il va falloir faire de la place dans le clapier, passer le tout au grésil et changer la paille ! La naissance théorique est prévue pour le 21 mars.

Vendredi 17 août : Nous sommes invités à un repas de mariage le midi à Wabao, au sud de l’île. Il s’agit du mariage de la sœur d’Adèle, qui est agent d’entretien au Collège. P.J prévient le Principal qu’il va être de représentation jusqu’à une heure avancée… Après avoir acheté hâtivement un cadeau à Trop Tard (Carafe et verres), nous filons à Wabao. Des petits groupes d’hommes se saoulent dans les buissons ou titubent sur la route : nous ne devons plus être très loin ! Surtout ne pas s’arrêter. Il n’y a pas forcément de danger (le jour), mais en cas de discussion, il est très difficile de se dégager ! Nous apercevons Adèle. Elle nous présente des personnes de sa famille, puis nous mène dans un petit Faré pour nous présenter la mariée. Avachie sur une chaise de jardin, la mariée fait une tête d’enterrement ! P.J s’embarque à la prendre en photo, elle se sent alors obligée d’esquisser un triste sourire. Son mari a 15 ans de plus qu’elle, c’est peut-être une explication… Pourtant, d’après ce qu’on nous avait expliqué, il y a la possibilité pour la jeune fille de refuser. La démarche se fait par l’oncle utérin du garçon qui se rend dans l’autre clan afin d’effectuer la demande au Chef de l’autre clan. Cette demande redescend dans la famille jusqu’à la poupée qui fait « oui » ou « non ». La réponse refait alors le chemin inverse. Si la réponse est positive, une date de mariage est fixée, et toute l’organisation et les frais reposent sur la famille du garçon. Sachant qu’il faut compter 200 convives au minimum venant de tout l’Archipel calédonien, dont une bonne partie va rester sur place entre 3 et 5 jours, un mariage peut mettre sur la paille une famille pendant un petit moment… Il y a tout d’abord le mariage coutumier. Chaque famille apporte des ignames et de l’argent. Tout est disposé en cercle et fait l’objet de discours coutumiers et de dons en retour. Ainsi, celui qui offre 2 ignames en reçoit 4 en retour. Le don doit alors être calibré pour ne pas être anodin, mais aussi pour ne pas mettre non plus l’autre famille dans l’embarras pour retourner le cadeau en double. Le lendemain, il y a le mariage civil à la mairie. Dans la journée même, ou le lendemain, il y a le mariage religieux à l’église ou au temple. Ensuite, c’est enfin le repas, mais pas pour tout le monde ! Il y a tellement de monde qu’il faut jusqu’à 5 services pour nourrir tous les invités ! Et la famille du marié non seulement mange en dernier, mais assure la cuisine (les hommes à la découpe de la viande, au feu et à la cuisson ; les femmes aux salades en tout genre, à l’assaisonnement, et au service). Un petit Astérix en bout de table se régale de ragoût de cochon sauvage… C’est Aloha qui se félicite, autant que ses parents d’être à la table d’honneur dans le premier service ! Des danses viennent ponctuer le repas très copieux mais assez rapide : en effet, 200 ou 300 autres personnes attendent de prendre nos places pour le 2nd service ! Une longue chaîne humaine relie la table à la cuisine en plein air distante de 20 m, pour débarrasser la table. Après tous les services, la cérémonie de remise des cadeaux se met en place. Longs discours, longs prêches, et les mariés s’installent sur des chaises au milieu de la cour avec les parents. Tous ceux qui ont des cadeaux ou une petite obole viennent les déposer aux pieds des mariés. Une bise à tout le monde et chacun se replace dans le cercle alentour. La fête a été joyeuse, et richement décorée. Nous remontons à La Roche. P.J retourne travailler… Mais 40 mn après, il est exceptionnellement obligé de quitter plus tôt son bureau pour aller honorer une promesse de Tennis à Tadine à 16h30. Mais il ne faudrait pas donner à penser que tout cela est dans ses habitudes ! Le régime bougna ne vaut pas la tisane jambe légère… Le jeu de jambes est alors très… féculent. P.J a pris Toffee, et comme le terrain de Tennis de Tadine est à côté du Collège et de l’Internat, toutes les admiratrices de Toffee sont là pour sa manucure. Le fan club de P.J n’est pas en reste. Il chantera tout pendant le match les 2 chansons en nengoné qu’il a chantées à la fête de la musique ! Depuis, toutes les parties de tennis en dehors du week-end se feront « en chantant » grâce aux nuées de mômes qui courent autour du terrain.

Samedi 18 août : P.J a une séance de plongée en bouteille à 8h30. Il revient à 12h pour trouver A.V blafarde… Depuis 6h00 du matin, sa fièvre monte avec les intestins dérangés. Elle a tout de même eu le temps de préparer une tarte tatin à la banane car nous devons aller manger chez Jean-claude, le voisin CPE, un très goûtu poulet au beurre de cacahuète. Mais à 15h, A.V doit quitter la table pour aller se coucher. Sa température est alors de 39,4°C. Nous finirons l’après-midi au dispensaire. Le médecin entreprend une batterie d’analyses et délivre du paracétamol pour soulager A.V. Nous repoussons à demain soir la soirée crêpes prévue à la maison avec Pascale et son petit garçon… Romain est très déçu…La nuit sera très entrecoupée entre le lit et les toilettes pour A.V.

Dimanche 19 août : Un buffet froid suivi d’un tournoi de ping-pong est prévu chez les Lanthony. A.V souhaite que nous y allions tous ensemble malgré sa nuit agitée. A sa grande surprise, A.V parvient à faire plier 2 concurrents. De son côté, P.J réussit maintes fois à combler sa faiblesse technique par une déstabilisation psychologique de l’adversaire, mais finira par se déstabiliser lui-même ! De son œil vautour, Hervé arbitre, aussi partial qu’incontesté. Il n’aura de cesse de privilégier sa femme, son fils ou lui-même dans cette compétition que personne ne prend au sérieux ! Nous passons une excellente journée. Chacun se remet de ses efforts en se torchant une platrée de glaces maison, de roulé à la confiture, et une galette des rois ! La félicité se penche au-dessus de P.J pour en faire le roi de la galette, à défaut d’être le roi du ping-pong !


Le soir, nous nous relayons pour nous occuper tantôt des crêpes, tantôt du Lapin. Pascale et romain arrivent, et découvrent en A.V et P.J deux grosses crêpes molles ! Seules virevoltent celles du fond de la poêle. Nous nous décrochons la mâchoire à force de bailler. Pascale s’éclipse rapidement…



Lundi 20 août : Les résultats des analyses d’A.V révèlent que sa gastro est due à une bactérie : « la shigella »… la bien nommée oserais-je dire ! Un antibiotique est alors prescrit par le médecin du dispensaire. Mais A.V a un doute, et souhaite attendre de rencontrer la sage-femme avant de le prendre. Bien lui en a pris, car si cet antibio est anodin pour les femmes enceintes de plus de 5 mois, il est dangereux pour les débuts de grossesse ! Il sera ainsi remplacé par un autre antibiotique sans risque.

Vendredi 24 août : A.V va mieux ! Et d’après les médecins, le petit n’a rien à craindre de cet épisode.

Aujourd’hui, Aloha se transforme en petite Cendrillon ! Elle se saisit de l’éponge pour aller frotter la vitre de la table basse ! Et elle insiste pendant un bout de temps, il faut que ça brille ! Elle déplace ses jouets pour nettoyer en-dessous. Frotter pendant 10mn, ça fatigue, alors elle continue à deux mains au lieu d’une !!! Nous n’en revenons pas. P.J trouve que le comportement de sa mère déteint furieusement sur le Lapin ! Par ailleurs, elle adore ranger ses jouets et ses doudous dans son bac à roulettes. Ils se font ainsi promener, puis vivement décharger, et enfin recharger avant de repartir en promenade. Pour le reste, on est surpris de retrouver parfois nos affaires parfaitement rangées dans un tiroir ou une étagère, complètement incongrus du genre une boîte de sardine dans l’armoire à habits. D’ici à dire que Sonpapa sente l’anchois sous les bras, il n’y a qu’un pas que d’aucuns franchissent hardiment…

Samedi 25 août : Soirée Loup-Garou chez les Noël ! Nous attendons 12 convives de tout poil pour jouer à ce jeu, une sorte de cluedo sans plateau ou le champ des possibles laisse place à de nombreux débats entre villageois luttant contre les Loups-garous. Tout le monde se laisse prendre au jeu de 19h à 1h du matin dans une cacophonie joyeuse et bruyante ! Soirée mémorable.

Dimanche 26 août : Angie et Christophe nous apportent un coq pour qu’A.V en fasse un coq au vin. Nous nous régalons le midi même. Après le repas, Christophe et P.J découvrent qu’ils ont la même envie depuis qu’ils ont regardé le Dr House vendredi dernier : jouer au poker ! Aussitôt dit, aussitôt fait, un carré de tontons flingueurs corses se constitue. Les débuts sont laborieux, mais on entrevoit la finesse du jeu.

Mardi 28 août : Echographie de contrôle au Dispensaire pour A.V. Après l’épisode de la semaine dernière nous sommes soulagés de voir que le petit se porte bien. Les échographies nous aident à prendre pleinement conscience du futur Lapin, car pour l’instant, nous avons un peu de mal à réaliser.


Ce soir, il y a une éclipse totale de lune. Comme elle est pleine, c’est magnifique. Elle devient toute rousse. On éteint la T.V et on s’installe sur une chaise longue pour l’observer à la jumelle. On devrait le faire plus souvent…

Mercredi 29 août : Depuis le début de la semaine, Aloha subit une nouvelle poussée sur sa prémolaire. Les repas sont succincts, et les nuits souvent entrecoupées d’une pause câlin ou biberon. Le jour, cela n’empêche pas de courir ! Les talents artistiques font surface : Le Lapin, très concentré, débouche son feutre de couleur (lavable, ouf !), crayonne à ses pieds sur le carrelage blanc, puis, satisfait, rebouche avec application et s’en va signer ailleurs. L’emploi d’une feuille est devenu obligatoire, en dépit du sentiment d’oppression de l’artiste… Désormais, elle boit toute seule au verre, ce qui donne très soif ! Après chaque gorgée, elle affectionne laisser échapper un grand « Ahhhhhh ! » de satisfaction, comme lorsque son Arrière-Grand-Père Gaston a fini son grand bol de thé au lait concentré ! Enfin, elle sait maintenant allumer et éteindre le radio-réveil de la chambre des parents… Elle s’y éclipse souvent en catimini. Après avoir éteint/allumé une dizaine de fois le radio-réveil, le Lapin se laisse en général emporter par la musique. Elle tape du pied, se trémousse ou applaudit ! Ses parents se cachent derrière la porte pour savourer le spectacle !

Jeudi 30 août : Anniversaire d’un prof du Collège chez Jean-Claude, notre voisin CPE. Il n’est pas du tout au courant, il découvre une quarantaine de personnes rassemblées pour lui souhaiter un bon anniversaire pour ses 40 ans. Sa femme et ses 2 enfants, sensés être sur Nouméa, se sont caché dans un grand carton avec un gros nœud autour. Il a ouvert, et le grand couillon était aux anges !!! Qui désespérait du mariage ?!

Samedi 1er septembre : Visioconférence sur internet avec Hugues, Ségolène et Ghislaine en week-end à Brest. P.J s’éclipse car une plongée l’attend. Au tableau de chasse : une grande raie-aigle (léopard sur le dessus, blanche en-dessous, et une envergure d’un mètre environ), un requin pointe blanche, un bébé-requin dans une grotte, un napoléon, une petite langouste et de jolis coraux.

Dans l’après-midi, nous nous rendons dans le nouveau magasin de Maré, « Euro-Maré » et qui se trouve à La Roche ! C’est l’événement : non seulement c’est le premier magasin (superette) digne de ce nom qui s’ouvre dans le nord de l’île, mais en plus, le propriétaire (Louis-Ureguei Kotra) est le patron d’un grand bateau de fret maritime, ce qui lui permet d’afficher des prix moins excessifs que dans les autres magasins. Nous sommes stupéfaits de voir qu’il y a 2 caisses enregistreuses ! Ils ont vu grand ! J’espère qu’ils ont bien fait leurs calculs… Au niveau de l’alimentation, c’est bien achalandé. Enfin, nous n’aurons plus besoin de faire venir de Nouméa le lait, la blédine et autres petites crèmes pour Aloha. Ils nous promettent même un rayon poissonnerie et un autre boucherie ! Du jamais vu ! Autre point positif, la station essence est elle aussi ouverte ! Finies les virées de 50 Km sur Tadine pour faire le plein. Nous attendions cette ouverture depuis plus de un an. Des petites tracasseries administratives et coutumières ont retardé l’ouverture de ce magasin. Les 3 autres tenanciers des principaux magasins de Maré se sont vivement émus de ce projet d’ouverture… Ils ont fait jouer les syndicats des commerçants pour mettre des bâtons dans les roues craignant une fonte de leur chiffre d’affaire.



Vendredi 7 septembre : Des pluies torrentielles s’abattent sur Maré avec un vent certain, en fortes bourrasques. Il y a très peu d’élèves au Collège. Pour couronner le tout, l’électricité se coupe à 9h30. Un pin colonnaire vient de tomber sur les lignes électriques. Chômage technique au Collège, P.J erre comme une âme en peine : il ne peut terminer son travail alors que les vacances commencent ce soir. Il devra revenir 2 jours la semaine prochaine. A la maison, A.V prie au pied de son réfrigérateur. En effet, nous venons de faire le plein de viande dans le congélateur. Angie et Christophe viendront se laver et faire des provisions d’eau, car ils n’en n’ont plus chez eux. Les Aïs d’Enercal vont nous épater en travaillant jusqu’à 22h30 pour rétablir le courant.

Samedi 8 septembre : Grande fête à Eni. Les festivités devaient commencer la veille, mais la pluie a douché tout le monde, et les touristes en premier ! Aujourd’hui, le soleil fait briller un beau ciel bleu rincé. Nous profitons du petit marché installé sur la plage. Angie achète un ballon-cœur pour Aloha qui ne se décroche pourtant pas de sa vision hypnotique de l’horrible éléphant gonflable. Nous mangeons dans une petite paillote de fortune sur la plage. Nous mangeons des langoustes, sauf P.J qui a commandé des popinées car il souhaite découvrir quelque chose qu’il ne connaît pas encore, et c’est tout à son honneur. Chacun se régale de ses grosses langoustes (pas trop cuites pour une fois). Aloha adore ça, mais que la queue ! P.J va de déconvenue en déconvenue… Les popinées sont des sortes de petites langoustes naines à la carapace très épaisse. Non seulement il est presque impossible d’éclater ces satanées bestioles, mais en plus, il n’ y a rien à l’intérieur !!! Lui qui ne voulait pas mourir idiot, il se sent vivre sot… A.V lui jette une ou deux pattes que le Lapin ne veut pas. Yvon, le Principal, vient nous rejoindre. Au nom de notre camaraderie forgée dans les entrailles d’un nachamal interlope, je conseille à ce vieux compagnon de misère d’éviter les popinées. Grand Seigneur, il règlera l’addition de la tablée. Nous nous écroulons sur la plage.


Dimanche 9 septembre : Nous retournons à Eni, car nous nous sommes inscrits à une randonnée pour nous faire découvrir les alentours. Nous marchons pendant 2h30 ! Le guide a défriché le chemin pendant 2 jours sous la pluie battante. Nous découvrons d’abord la pointe rocheuse de l’île. Les biquettes sauvages perchées dans les rochers sont tirées par des chasseurs en mer visant depuis leurs barques. Nous grimpons ensuite à un ancien poste de guet américain de la guerre 39-45 qui servait à surveiller si le Japonais se pointait à l’horizon, le péril jaune... Nous enchaînons plus loin avec une grotte qui servait tout d’abord d’endroit sacrificiel pour avoir de la bonne viande humaine, puis elle est devenue un lieu d’intimité pour couples d’amoureux, avant de retomber dans l’oubli. Enfin, plus loin, nous découvrons un trou d’eau dans une autre grotte dans laquelle on peut se baigner lorsqu’il fait très chaud l’été sous une immense voûte de concrétions calcaires.

Lundi 10 septembre : Nous espérons profiter de ces 15 jours de vacances pour beaucoup randonner, mais hélas, le temps n'est pas coopératif et il est impossible (une fois de plus!) de prévoir quelque chose à l'avance. Nous savourons donc pleinement le temps passé en famille et profitons du petit Lapin, qui, s'il ne veut toujours pas parler, fait en revanche plein de progrès en compréhension de son environnement, déductions, manipulations en tou genre et autonomie. Un petit monde en marche !...

Mardi 11 septembre : Nous fêtons nos 8 ans de mariage.

Nous passons la soirée chez Claire et Fabien, des profs du Collège de Tadine. Nous installons la lunette astronomique du Collège, et Fabien nous initie aux merveilles astrales. Nous découvrons Jupiter et ses satellites, la constellation du scorpion, la couronne du sud, la voie lactée, etc... Un régal !

Jeudi 13 septembre : Echographie au dispensaire. Tout va bien. La date de naissance théorique est pour le 23-24 mars.


Le vélo de P.J est réparé, nous installons Aloha sur le siège vélo. Elle est ravie... tant que ça roule ! Et vite si possible !


vendredi 14 septembre : Nous recevons la commode indonésienne en teck que P.J avait raflé dans son coup de fièvre acheteuse dans son magasin d'art papou. Aloha est toute contente et procède à une inspection minutieuse, jusqu'à se hisser à l'intérieur après que son ours en peluche ait préalablement ouvert le chemin en éclaireur.







Samedi 15 septembre : Visioconférence aux aurores dans le bureau de P.J. Pour calmer l'impatience du lapin qui a quand même des limites, P.J lui prête son trousseau de clefs. Quelques minutes plus tard, le silence de l'enfant nous paraît suspect... Nous la surprenons assise devant le coffre-fort de P.J, introduisant des clefs dans la serrure de celui-ci ! Les valeurs n'attendent pas le nombre des années !

Mercredi 17 septembre : Coup de sang à la mairie ! Nous devons faire modifier l'adresse de nos passeports. Pour ce faire, nous nous y sommes pris longtemps à l'avance (fin juin) méfiants vis-à-vis des lenteurs de l'administration locale... Et de fait, nous ne sommes pas déçus ! Il y a 15 jours, nous sommes allés voir où en était la procédure (nous sommes quand même en septembre !). P.J et Aloha ont leurs passeports, mais pas de nouvelles de celui d'A.V. L'employée de mairie prend nos coordonnées en grande professionnelle, afin de s'enquérir du pourquoi du comment. 10 jours plus tard, nous repassons à la mairie. Nous avons affaire à un autre employé qui lui, se dirige, dans un pas de course soulevant le fatras de papier, vers le casier des dossiers rejetés. Et oh ! Surprise ! il découvre qu'il a reçu il y a un mois une demande d'informations complémentaires concernant le passeport d'A.V car la plastification de la photo d'A.V n'étant pas parfaite (du moment que sa plastique l'est, m'en fous moi !), il est suspecté d'être un faux. En plus, il manque un timbre sec ! => Le préposé en reste sans voix... Il faut remplir à nouveau des documents et fournir des justificatifs. On nous assure que nous aurons ce passeport avant décembre, mais c'est bizarre, on reste méfiant !


Mercredi 19 septembre : Un rendez-vous avait été pris auprès du vieux Kaloï pour une excursion de Ténane à Roh par un sentier côtier dans la brousse. Bien que la distance ne soit pas très longue (environ 6 Km) nous mettrons presque 3 heures car Kaloï est très bavard... Tour à tour nous découvrons la plante qui guérit les furoncles, 2 mn plus tard c'est le rocher aux furoncles dans lequel il faut introduire un caillou emballé à l'intérieur d'une feuille d'arbre dans une de ses crevasses en pensant très fort à la personne visée et à la localisation où le furoncle prospèrera... Un petit mot de malédiction et le tour est joué ! Sacré Kaloï ! Nous cheminons de sous-bois en cocoteraies. En deux temps trois mouvement, Kaloï nous ouvre des noix de cocos vertes, des cocos sèches et des cocos germées pour nous rafraîchir et grignoter. Aloha aime tout ! Nous découvrons un énorme bloc corallien qui fait saillie dans la mer. Creusé en son centre, nous grimpons à l'intérieur après avoir gravi quelques obstacles, narguant les vagues qui nous éclaboussent. C'est le refuge des pêcheurs fatigués. Plus loin, Kaloï nous arrête dans une grotte rafraîchissante aux hautes voûtes où les stalactites et stalagmites se sont rejointes pour former de gros piliers. Autre curiosité quelques centaines de mètres plus loin : "la grotte aux miroirs". Lorsque quelqu'un y va l'après-midi, le soleil est dans le dos et le regard se porte vers l'intérieur. Si la personne voit 2 ombres contre la paroi, c'est que la personne est en bonne santé : une ombre pour le corps, une ombre pour l'esprit. S'il n'y en a qu'une, il faut remonter très vite en tribu et préparer un grand repas pour tous car le lendemain vous serez mort ! Il y a aussi de l'eau douce au fond de cette grotte. Dans sa jeunesse, Kaloï allait jusqu'à 5 fois par jour dans cette grotte avec des coloquintes creusées pour ramener de l'eau à la tribu. Enfin, au détour du chemin, devant un rocher évocateur d'un poulpe et d'un rat, Kaloï nous retrace la légende pendant 1/4 d'heure ! Le chemin abouti donc à Roh à l’endroit très précis où ont débarqué les 2 premiers pasteurs protestants. Nous pique-niquons. Kaloï nous quitte car sa femme est venue le chercher en voiture. La modernité a quand même du bon ! Nous, nous referons le chemin inverse en 3/4 d'heure.







Jeudi 20 septembre : Michel, le secrétaire de P.J, vient frapper à la porte de bon matin pour nous inviter au repas du mariage le midi même d'une cousine considérée comme sa fille adoptive. Nous y allons en marchant sur la pointe des pieds. Mais au moment du premier service, c'est la course à l'échalote ! Michel nous pousse dans la mêlée, A.V se dégage très vite lui assurant une bonne position dans la tablée tandis que P.J, casaque verte, est resté sur le mode "pointe des pieds" se faisant griller plusieurs places précieuses avec des "après-vous-je-n'en-ferais-rien" de gros nigaud... A l'arrivée P.J a recueilli une place qu'un mélanésien lui avait réservée par pitié. Quand à A.V, elle est arrivée 50 mètres plus haut dans la table.






Dimanche 23 septembre : Pique-nique avec Angie et Christophe. Nous choisissons la plage de Cengeité. Mauvais choix car le seul nuage qu'il y ait dans le ciel fait du sur place devant notre soleil, tandis que sur la côte en face, la plage de Eni luit de mille feux. Processus d'engagement oblige, nous camperons tout l'après-midi sur nos positions estimant qu'il suffira d'attendre les 5 prochaines minutes pour que ce satané nuage déguerpisse. Angie nous sert du thé au gingembre et au clou de girofle : un délice. P.J tente de creuser un trou qui va jusqu'au centre de la Terre, pas moins ! Mais il s'arrête à 1m20... Visiblement, il n'a pas les moyens de sa prétention ! Ce qui fait la joie d'Aloha, et le désespoir de Toffee qui ne supporte pas de ne pas pouvoir sauter dans le trou, lui qui a voué toute sa vie aux grandes souffleries de sa truffe terreuse dans les trous de taupes limousines.


Jeudi 27 septembre : Le Lapin continue à nous surprendre. Cet après-midi, excédée par les mouches sur les carreaux, elle les chasse à coup de mains en faisant « fff ! fff ! ». Puis, voyant son manque d'efficacité, elle court vers le placard en babillant, tendant la main vers la tapette à mouches (que nous n'utilisons pourtant jamais !). Hélas, les mouches ont senti le vent tourner et se sont enfuies. Mais pour la peine, les carreaux puis la table basse se sont fait sévèrement « astiquer ». Le soir, A.V prépare son bain, puis va à la cuisine touiller la soupe. Elle retrouve Le Lapin dans la cabine de douche tout fière de montrer comment elle rase le savon ! Puis au sortir du bain, ambiance starac, elle s'empare du micro de son lecteur CD (dans lequel elle n'a jamais voulu parler) et ne le lâche plus, vocalisant avec entrain. Le timbre de voix n'est pas encore assuré, mais il se rapproche toutefois de celui d' Etienne Daho avec trois cafés serrés...


Vendredi 28 septembre : Le pire n'est jamais décevant. Depuis un an, l'apiculteur de Maré

nous promet du miel. P.J ne prend même plus la peine de le relancer, sachant que c'est peine perdue. Mais cette fois, c'est M. Sipa lui-même qui vient trouver P.J. Une grosse commande est contractée, dans ces cas-là, il faut y aller à fond et penser aussi aux copains qui galèrent. Promis, M. Sipa sera là au marché de Vendredi avec 6 litres de miel. Force est de constater au marché d'aujourd’hui encore que M. Sipa est allé butiner ailleurs... Alors, A.V en profite pour aller à la mairie faire une petite visite de contrôle pour son passeport. Elle y retrouve la première employée à qui elle avait eu affaire. Elle s'agite et annonce que la demande de passeport vient d'être refusée ! Ce qu' A.V sait depuis 2 semaines de la bouche de son collègue ! Et ce que cette employée devait savoir depuis un mois et demi et nous téléphoner ! A.V fait remarquer que justement son collègue l'a mise au courant, et qu'elle a fourni aussitôt tous les justificatifs, à la suite de quoi le dossier devait repartir au courrier dans la journée même ! L'employée est un peu gênée (mais pas trop), et aujourd’hui juré, jour des grandes promesses avec M. Sipa, c'est envoyé. On verra...


Samedi 29 septembre : Repas du midi avec Angie et Christophe, puis virée à Nece à la plage. Aloha patauge avec joie et s'initie aux pâtés. Elle prend autant de plaisir à les démouler qu'à les détruire d'un revers de mains leste. A la fin de l'après-midi, nous nous apprêtons à partir lorsqu'un mélanésien nous insulte de la route en nengoné a priori parce qu'Angie et A.V sont en maillot de bain. Sa femme qui le suit derrière semble être embarrassée par l'attitude de son mari. Nous le recroisons plus loin en repartant en voiture. P.J luit fait un signe de la main et cherche ses yeux pour l'apaiser, mais l'homme dans une colère noire refuse même un échange de regard. Malaise.


Une fois rentré, la nuit, épaisse, est tombée. A.V lave le Lapin, P.J décharge et range les affaires, la voiture et se lave. Pendant qu' A.V se lave à son tour, P.J prend Aloha dans ses bras et va dans la cuisine préparer son biberon. Il est 19h00. Tout à coup, P.J voit passer un homme sous la fenêtre de la cuisine. P.J est surpris car pour passer sous la fenêtre de la cuisine, il faut déjà être dans l'enceinte de la maison. L'homme est gêné d'avoir été vu, et fait signe avec sa main devant son visage que ce n'est rien. P.J lâche le Lapin, et sort de la maison, vêtu d'un simple caleçon. P.J n'y voit rien mais retrouve l'individu au pignon de la maison et lui demande s'il cherche quelque chose. L'homme qui a bien pris soin d'éviter la lumière du garage répond : « Non, non ! C'est rien, c'est pour la chasse à la roussette ! ». P.J est dubitatif et lui recommande de faire attention car il y a des enfants ici. P.J retourne au biberon du Lapin. Il hésite, puis il décide de ne rien dire à A.V pour ne pas l'inquiéter inutilement. Une fois Aloha couchée, nous préparons une grande marmite de soupe de poisson car nous avons des invités demain. Et P.J a une sortie de plongée également le lendemain matin. Alors nous nous activons tous les deux aux fourneaux. Comme il ne faut pas se laisser abattre aussi ce samedi soir, A.V prépare du pain perdu. P.J en profite pour refaire un tour dans le jardin pour contrôler que l'individu est bien parti. Il est 20h. Il prend sa torche sans l'allumer et commence sa ronde autour de la maison. Une fois au fond du jardin, il balaye toute l'étendue d’un faisceau de lumière. Rien. Après une inspection de 10-15 mn, P.J retourne dans la maison rassuré. Ce n'était qu'un rôdeur qui a déguerpi. La soupe de poisson préparée, le pain perdu avalé, Miss Calédonie élue, nous nous préparons à nous coucher vers 22h30. Nous décidons de laisser la porte-fenêtre ouverte car les odeurs de poisson sont vivaces. Et puis n'a-t-on point une bête blanche assurant la garde ? P.J dépose une coupelle de grains empoisonnés pour les souris au milieu du salon, éteint la lumière et ferme la porte du salon. Pendant que P.J finit de se laver les dents, A.V hésite à aller chercher Aloha qui pleure dans son lit. Elle repasse d'abord dans le salon sans allumer la lumière pour récupérer son écharpe sur le canapé afin de venir à bout d'une angine récalcitrante. C'est alors qu'elle ressent une vive douleur sur le côté du crâne. Abasourdie, ce n'est qu'après le 2e coup qu'elle se retourne et perçoit une grande ombre brandissant une pierre au-dessus d'elle. Réalisant enfin qu'il y a quelqu'un, A.V appelle P.J au secours. P.J se précipite dans la salle, bouleversé par le ton désespéré d'A.V. Il cherche à allumer la lumière, mais déjà il reçoit une pierre. P.J aperçoit l'individu qui tire A.V par le T-shirt. Celui-ci lâche prise pour s'abattre sur P.J qui reçoit 6-7 coups de pierre, coups de poings sans pouvoir réagir. C’est un déluge de violence. Mais P.J ne tombe pas. Et c'est visiblement pourtant ce que cherche l'agresseur. Il a même le temps de prendre quelques pas d'élan pour effectuer un retourné du pied qui écrase les muscles du dessus de la cuisse de P.J. L'agresseur est un peu désarçonné de voir que P.J est encore debout. P.J fait remonter en lui toute la violence nécessaire pour repousser cette bête. P.J commence à lui hurler dessus et le repousse violemment. L'individu en est tout surpris. Cette fois-ci il semble un peu dépassé. Il attrape la table à manger en verre pour la retourner afin de couvrir sa fuite. Sottement, P.J prend soin de la rattraper et de la remettre sur ses pieds. En deux bonds, l'agresseur s'enfuit par la porte-fenêtre. P.J allume la lumière sur la terrasse, inspecte les alentours et ne voit personne. Revenant dans la maison, il sent la colère monter en lui. Il s'empare de sa machette et met ses chaussures. Il se ravise et prend plutôt sa batte de base-ball. Il ouvre le garage, saute dans la voiture, et démarre à fond pour pourchasser celui qu'il ne croit être encore qu'un voleur violent. Après avoir pris soin de faire 2 fois le tour plein phare du lotissement rassemblant 5 villas en cercle, il embraye sur l'unique route qui mène de notre lotissement à la route principale. Pendant ce temps, A.V, encore sonnée, hésite à aller chercher Aloha qui pleure dans sa chambre. Mais elle préfère d'abord s'éponger le sang qui lui coule abondamment sur le visage. C'est alors que toutes les lumières s'éteignent. La porte de la cuisine s'ouvre et l'agresseur revient à la charge avec une grosse pierre. Il attrappe A.V par le bras et l'entraîne dans le salon. Elle lui demande ce qu'il veut, qu'elle peut lui donner de l'argent, mais il marmonne uniquement : « Ecarte-toi ». A.V esquisse alors un pas de recul pour s'écarter, mais quand il la pousse dans le fauteuil en se tenant devant elle, elle comprend qu'il veut la violer. Tentant de l'amadouer, A.V lui dit qu'elle est enceinte. Il répond : « Rien à foutre ». Réalisant qu'elle se retrouve avec une pierre dans la main, elle hésite à en faire usage. Craignant d'augmenter sa violence, elle préfère la rendre inaccessible en la lançant sous le fauteuil. Le voyant se rapprocher, elle lui envoie 2 coups de pieds dans les testicules. Profitant de sa surprise, elle s'enfuit alors sur la terrasse. Aloha pleure en hurlant et A.V a peur qu'il s'en prenne à elle. Il la rattrape sur la terrasse. Il empoigne A.V et la traîne vers le fond du jardin. A.V crie : « Pierre-Jean ! Toffee ! Yvon ! ». Ses pieds et ses mains s'écorchent contre les cailloux coralliens. Toffee est pétrifié sur place de par sa peur et sa crise d'arthrose des jours de plage, il reste invisible. Au bout de 800 mètres, P.J s'aperçoit avec angoisse qu'il ne voit pas l'individu. Il fait demi-tour et revient à toute allure en prenant conscience que l'agresseur est peut-être resté auprès de la maison. Arrivé à la maison, P.J continue sa lancée avec la voiture et fonce dans le jardin. Il a tôt fait de repérer dans ses phares l'individu se relever de dessus A.V pour s'enfuir. Pied au plancher, P.J donne un coup de volant pour fracasser le prédateur. Celui-ci bondit sur le côté et échappe de justesse à l'impact. Par contre, la voiture vient s'encastrer sur un monticule de cailloux qui nous sert de barbecue géant. La voiture est immobilisée. P.J attrape sa batte de base-ball, descend de la voiture et se lance à la poursuite de l'agresseur pour le mettre définitivement en fuite ou hors d'état de nuire. Un sprint s'engage dans le noir, et personne à la rescousse malgré les hurlements de P.J à l'encontre de l'individu. P.J tient la distance sur 300 mètres. Seuls 15-20 mètres le séparent du fuyard. Mais le coup donné à sa cuisse, et l'emballement cardiaque lui font lever le pied. P.J continue à trottiner en le gardant en vue. L'agresseur aussi ralentit. Il se retourne pour voir si P.J est toujours là. Voyant que je continue à le suivre, il s'engage alors vers une propriété abandonnée. P.J continue à s'adresser à lui en criant pour l'intimider, lui parlant de Dieu, du Grand Chef, de son envie de le mettre en pièces. P.J entre dans l'enceinte de la propriété. L’agresseur se tient à côté d'un baraquement en tôles et attend. P.J continue à aller vers lui, mais il est inquiet de ne plus le voir fuir, d'apercevoir de la lumière du baraquement et surtout de l'entendre dire : « Viens, maintenant, viens... ». Il sent que la donne a changé. Et c'est à regret que P.J fait demi-tour. Il se retourne alors tous les 50 mètres pour vérifier que l'agresseur ne soit pas de retour avec une arme. P.J a l'angoissante impression que les rôles viennent de s'inverser en ayant peur d'être poursuivi. Mais l'homme ne le suit pas. De retour dans le lotissement, P.J frappe à la fenêtre de Yvon, le Principal. Celui-ci le rejoint et trouve P.J en état de choc. Ils retrouvent A.V en train de nettoyer le sol de la maison. Incorrigible ! Mais entre le sang et le grain empoisonné, cela peut se concevoir. Yvon remplace A.V au ballet, A.V s'occupe d'Aloha et P.J appelle la gendarmerie. A la stupéfaction de P.J, le gendarme de service souhaite se débarrasser au plus vite de ce coup de fil à 23h00 un samedi soir ! Il lui dit de passer demain matin à la gendarmerie afin de porter plainte. Puis il raccroche au nez de P.J. Là, on se sent très seul. Et nous sommes dans la crainte d'une troisième agression : celle d’un retour avec une arme ou un complice. Yvon décide de nous emmener au Dispensaire. Après auscultation, nous prenons peu à peu conscience de nos coups. A.V se fait recoudre le crâne : 13 points de suture et une tonte d'une partie de ses cheveux. Elle a les mains et les pieds écorchés. P.J se fait désinfecter ses éraflures et ses griffures. Mais ce sont le tendon de son coude et le muscle de sa cuisse qui sont le plus douloureux. Nous acceptons assez vite la proposition du médecin de dormir au Dispensaire cette nuit. Le médecin appelle la gendarmerie afin qu'ils sachent que l'affaire était sérieuse, et qu'il aurait pour le moins fallu se déplacer. Il est alors répondu que la patrouille de nuit passera alors peut-être nous entendre cette nuit. Yvon nous aura accompagné jusqu'au bout, soit jusqu’à 1 h du matin. Il rejoint alors sa maison, un peu nerveux. Pendant notre agression, il a perçu des cris et des bruits de voiture, mais il les a assimilés dans son premier sommeil à des gens ivres. Aloha met une heure avant de s'endormir sur les coups de 2h du matin, passant sans arrêt d'une embrassade avec Samaman à une embrassade avec Sonpapa.

Dimanche 30 septembre : Nous nous réveillons à 6h00. Pas moyen de dormir plus longtemps. Les gendarmes ne sont pas passés. Un des médecins du Dispensaire, Romain, raccompagne P.J à la maison pour préparer le biberon de la petite et nous prendre quelques biscuits, tandis qu' A.V subit une échographie pour savoir si le bébé va bien. En chemin vers la maison, P.J et Romain décident de s'arrêter pour aller inspecter le baraquement en tôles où l'agresseur s'est réfugié hier soir. Munis de gourdins, ils retournent les lieux. Il n'y a personne, mais ils découvrent qu'il s'agit d'un squat où traînent des habits sales, une cuisine de fortune et un vieux matelas.


L'échographie est bonne, le bébé se porte bien. C'est un immense soulagement. Avant d'aller à la gendarmerie, nous allons à la chefferie rencontrer immédiatement le Grand Chef de La Roche. Celui-ci est bouleversé et très embarrassé par notre récit. Il nous assure qu'il fera le nécessaire pour retrouver l'auteur de ces actes. Il fera un discours dès la sortie de la messe. Pendant ce temps, nous descendons à Tadine pour porter plainte à la gendarmerie. Nous en profitons pour nous arrêter 5 mn chez nos amis Valérie et Hervé Lanthony, le médecin de Tadine et notre moniteur de plongée, pour avertir que P.J n'ira pas plonger. Là aussi, on mesure l'impact de notre agression sur nos amis : La projection de leur propre peur et le sentiment que la gendarmerie est incapable de nous protéger. Accueil gêné à la gendarmerie... nous sommes séparés pour faire nos dépositions. P.J accepte de souffler dans une machine électronique pour écarter toute beuverie ayant dégénéré la veille. Il va falloir effectivement, quelque part, gagner la confiance des gendarmes qui ne savent pas qui nous sommes. Plus tard, nous apprendrons que le Principal et d'autres personnes ont été interrogés à notre sujet pour savoir quel genre de personnes nous sommes, et si notre couple est équilibré. C'est normal pour une enquête, mais toujours choquant pour les gens de bonne foi. Nous décrivons notre agresseur : Entre 20 et 30 ans, environ 1m75, un t-shirt rouge, les traits du visage assez fins, et une petite moustache se prolongeant en bouc, les cheveux courts mais pas rasés, svelte et sportif. A la fin de sa déposition, P.J tout comme A.V de son côté, terminons notre récit par la lamentable réaction du gendarme d'hier soir. Malaise chez les gendarmes. Grosse discussion dans le couloir. L'adjudant-Chef cherche à savoir qui a intercepté l'appel hier soir. Une voix marmonne, et malgré la porte refermée, P.J l'entend dire : « ... je croyais qu'il était bourré... ». Atterrant. Les gendarmes nous promettent de passer visiter la maison, il faut donc que nous laissions les choses en l'état. Nous avions invité 2 couples d'amis. Pour Michel et Elizabeth, nous maintenons l'invitation, cela nous changera les idées. Et puis 10 litres de soupe de poisson ont été cuisinés ! Pour Yann et Morgane qui ont 2 petites filles, nous préférons décommander. Même si l'on mange sur la terrasse, le sang, les traces de la bagarre et les pierres dans le salon et quelques grains de mort-au-rat égarés ne sont pas un spectacle à montrer aux enfants en âge de poser des questions. Ils nous apprennent qu’à Lifou une infirmière du Dispensaire s’est fait arracher une jambe par un requin. Elle est décédée en perdant son sang. Les mélanésiens se cotiseront afin de couvrir les frais de rapatriement du corps en métropole. Au fond, peut-être valait-il mieux rester sur Maré…


La soupe est aussi délicieuse que la tarte au citron. Michel et Elizabeth s'efforcent avec succès de parler d'autres choses. Les gendarmes arrivent à 17 heures... L'Adjudant-Chef, qui est con comme une souche, est dès l'abord convaincu que leur visite est inutile. Ses relevés d'empreintes sont donc inopérants. L'agresseur a pourtant empoigné la table en verre... Il procède à l'examen de la surface de la table, puisque P.J insiste lourdement, mais balaye du revers de la main l'examen du dessous de la table, là où en définitive ont dû s'appliquer les doigts pour l'attraper. Heureusement, la triple buse est accompagnée d’un Chef enquêteur ayant une approche plus scientifique et volontaire. C'est ainsi que nous retrouvons plusieurs indices sur le terrain : un préservatif dans l'herbe, une brique de vin au pied du palmier jouxtant la maison, une paire de tongues bien rangées au bord de la route du lotissement, trois grosses pierres alignées sous la fenêtre de notre chambre. Ils repartent, et vont aller inspecter le squat où s'est enfui l'individu. Nous nous enfermons dans notre maison. Nous avons repoussé toutes les invitations de nos amis, car nous pensons que si nous ne faisons pas l'effort de revivre maintenant dans notre maison, cela sera plus dur après. Sursautant au moindre bruit, c'est peu dire que nous dormons mal.

Lundi 1er octobre : P.J qui se demandait pourquoi le médecin du dispensaire lui a donné 5 jours d'incapacité temporaire de travail, est bien soulagé de pouvoir rester à la maison, car nous sommes bien choqués et il paraît inconcevable de laisser A.V et Aloha seules à la maison. Toute la journée, c'est un véritable défilé de visiteurs, collègues et amis, venus manifester leur solidarité. Cela fait chaud au coeur. On se rend compte qu'il y a une onde de choc qui nous dépasse. Le Collège veut se mettre en grève pour protester contre la violence. P.J et le Principal refusent ce moyen qui non seulement provoque un amalgame entre violence et Collège alors que l'agression n'a rien avoir avec la vie scolaire, et en plus, une journée de classe en moins, c'est une journée en moins pour l'éducation des jeunes de Maré et cela semble contradictoire avec ce qui est dénoncé. Yvon a recueilli déjà des informations. Un homme, un certain Yengo, correspondant à ma description a été vu faisant du stop de Tadine vers La Roche. Ce même samedi, une voiture a été basculée dans le port. P.J n'accorde aucun crédit à ces retours de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. De même, de jeunes femmes profs habitant entre chez nous et Christophe et Angie (à 3 Km), ont dit qu'elles avaient entendu gratter à leur porte, un homme a demandé à ce qu'elles ouvrent pour discuter mais qu'elles avaient refusé. P.J sent que cette histoire va en drainer pleins d'autres et ajouter la confusion à la confusion. A 9h00, coup de téléphone du secrétariat du Secrétaire Général, pour me transmettre ce dernier afin de m'avertir que le Vice-Recteur va m'appeler... Effectivement, quelques minutes plus tard, le Vice-Recteur appelle de Paris, alors qu'il est minuit là-bas. Après avoir demandé si on se porte le moins mal possible, il nous assure de son total soutien, mettant à notre disposition ses services et son cabinet. Il m'affirme que pour lui, j'étais dans l'exercice de mes fonctions lorsque j'ai été agressé car j'occupe un logement de fonction par nécessité absolue de service. Ce qui induit que l’Etat m'offre sa protection juridique en prenant en charge les frais de justice et d'avocat, mais cela signifie aussi que la peine de l'agresseur pourra être multipliée quasiment par deux, si le procureur retient ce motif. Mais visiblement, il existe une grande connivence entre le Vice-Recteur et le Procureur, mais aussi le Colonel de Gendarmerie... En effet, apprenant la mollesse des gendarmes, Monsieur Barat, le Vice-Recteur, se met en colère et m'assure qu'ils vont entendre parler du pays car il va joindre immédiatement son copain colonel. Comme quoi, la franc-maçonnerie a du bon ! Enfin, il m'avertit qu'un communiqué de presse sera rédigé par le cabinet. Cela m'inquiète un peu... Mais finalement, le ton de l'article du journal sera juste sur le fond, à défaut de la justesse de la description des faits.


Nous qui avions si mal dormi la veille, nous demandons à Angie et Christophe s'ils veulent bien dormir à la maison ce soir. Aussitôt dit, aussitôt fait. L'ambiance est bien meilleure, même si P.J est redevenu complètement à cran avec la tombée de la nuit. Il ne quitte pas sa batte de base-ball et son rôle de protecteur de la famille. Quand on demande à A.V si elle a peur aussi, elle affirme alors que finalement assez peu car elle a pleine confiance en P.J ! Ce qui ne manque pas de mettre un peu plus de pression sur le Pauv'Lout, qui est tout de même à la fois surpris et fier ! Angie et Christophe sont dans la salle de bain. A.V s'affaire dans la cuisine. P.J joue avec Aloha dans le salon. Tout à coup, toutes les lumières s'éteignent. L'angoisse, totale, nous paralyse tous. P.J essaie de retrouver Aloha dans le noir sans la retrouver alors qu'elle était à 1 mètre de lui. Il croit tourner fou. A.V cherche dans le placard la torche sans la trouver alors qu'elle est pourtant bien là. Angie et Christophe, coincés sous la douche, appellent pour qu'on remette la lumière. Ils croient effectivement que c'est nous qui avons éteint par erreur la lumière de la salle de bain. Après quelques instants de confusion qui ont paru très très longs, A.V finit par mettre la main sur cette maudite torche. Drapé d'une serviette, Christophe propose d'aller remettre le courant au compteur. P.J l'accompagne alors avec sa batte. Comme le garage est fermé (notre porte d'entrée se situe dans le garage), les deux hommes sortent en ouvrant la porte fenêtre et son volet. Fébrilement, ils rejoignent le compteur qui se situe au poteau téléphonique au bord de la route. Soudain Christophe me fait : « On est con, on n’a pas dit aux filles de fermer la porte-fenêtre derrière nous ! Si le gars s'introduit et ferme le volet, on pourra rien faire ! ». P.J se précipite alors vers la terrasse et fait irruption en courant dans la maison. Une fois tout fermé, et la crise de nerfs de P.J un peu redescendue, nous faisons plusieurs constats : 1) Ne jamais utiliser la bouilloire en même temps que le four, ça fait péter les plombs ! 2) N'importe qui peut nous priver d'électricité, et l'agresseur peut revenir à tout instant s'amuser avec nos nerfs 3) Sans électricité, nous n'avons plus de téléphone, il nous faut un bon vieux filaire que nous devons acheter depuis un an en prévision des cyclones. Sans la présence d'Angie et Christophe, nous serions restés dans notre angoisse jusqu'au matin sans électricité et sans oser sortir. Le sommeil n'est pas encore bon, surtout que la chaleur nous oblige à ouvrir la fenêtre de notre chambre, certes avec le volet, mais chaque bruit extérieur nous interpelle.


Mardi 2 octobre : A.V se lève vers 7h50. Christophe est parti en cours depuis 20 mn. A.V trouve Angie un peu effrayée. Elle finit par s'expliquer : Il y a 20 mn, juste après le départ de Christophe, elle était dans la cuisine quand Toffee s'est mis à aboyer sur la terrasse. Au bout de 3 aboiements, Angie quitte sa vaisselle pour aller voir ce qui se passe. C'est alors qu'elle aperçoit un homme dans le fond du jardin, les claquettes à la main, à demi courbé, hésitant à s'élancer vers la maison. Un dernier aboiement de Toffee le décidera à se mettre en fuite. Il ne sait pas qu'Angie l'a vu. Malheureusement, comme P.J était à bout de nerfs hier soir, elle n'a pas osé donner l'alerte immédiatement. P.J mange son chapeau, il ne demande qu'à lui mettre le grappin dessus ! Il est 8h00. Nous nous enfermons, et nous appelons la gendarmerie qui nous répond qu'ils arrivent aussitôt. A 11h00, les gendarmes débarquent sans se poser de question, après que nous les ayons attendus trois heures ! Ils prennent la déposition d'Angie et s'en retournent. Avant qu'ils aient repris la route, P.J découvre avec horreur sous la fenêtre de notre chambre d'autres pierres et une bobine de fil de fer dévidée de 50 cm. P.J a tout juste le temps de la remettre aux gendarmes, avant de se décomposer. Même si Angie n'a pas discerné distinctement le visage, les gendarmes disposent de la description vestimentaire de l'individu. P.J mange rapidement, et décide d'aller vérifier si les gendarmes ont fait passer l'information car c'est le moment de mettre la gomme : nous savons comment ce type est habillé pour aujourd'hui. En fait, P.J s'aperçoit que les gendarmes sont retournés à la caserne. Il enchaîne alors tous les lieux de rassemblement en donnant la description : Antenne de la Province des Iles (les employées ont peur), Internat (le Directeur et le chef cuisto vont faire une ronde en camion et promettent un étripage kanak en règle s'ils le trouvent), le collège, le snack où mangent des profs, des infirmières et des médecins, le magasin chez Pa' Ola, la tribu de La Roche, le CFPPA de Pascale, l'ALP, l'aérodrome, La Poste, le Dispensaire. P.J en profite pour faire une petite ronde d'inspection (toujours avec sa batte !) dans le bush qui donne derrière notre jardin, ainsi qu'un autre baraquement en tôle qui lui donne la chair de poule avec des T-shirts rouges pendus comme celui du soir de l'agression. Puis il revient à la maison. Sur la route, il entend à la radio l'annonce de notre agression et l'interview d'Yvon. Cela a un côté irréel d’entendre parler de soi. Nous savons maintenant qu’il est prêt à tout pour parvenir à ses fins, même en plein jour. On ne pourra pas vivre barricadés jour et nuit ! Le CPE nous apprend qu'il a recueilli le témoignage de la fille de Yoyo, un de nos voisins qui est le chef cuisto de l'Internat. En effet, en rentrant dans le lotissement Dimanche soir, elle a aperçu un jeune homme portant une fine moustache se prolongeant en fin bouc comme l'a décrit P.J alors que c'était un détail qu'elle ignorait depuis l’agression. P.J le signale immédiatement aux gendarmes qui s'en tiendront aux dires de la mère : « on a rien vu ». Nous ordonnons à Angie et Christophe de regagner leur maison, car si on leur savait gré de bien vouloir nous rassurer en vivant avec nous, là l'histoire change de nature. Alors il est hors de question qu’ils se mettent en danger en restant chez nous. Du coup, c'est Yvon qui s'y colle ! Pour faire passer la soirée aux mieux avec 2 paranoïaques, A.V lui prépare des crêpes. Yvon nous apprend qu'aujourd'hui, le Procureur et des gradés de la gendarmerie ont débarqué sur Maré. Alors que la maison est bouclée depuis 18h00, le verrou du volet d'Aloha vérifié 3 fois, nous interrompons notre partie de crêpes avec Yvon en entendant des crissements de pneus devant la maison. Montée immédiate d'adrénaline. P.J va entrouvrir le volet de la cuisine. Il distingue 4 ombres à la démarche hésitante et silencieuse. Il sursaute quand il s'aperçoit que ce sont des mélanésiens ! A.V et Yvon se sont aussi rendus dans la cuisine. Mais il s'agit en fait de 4 hommes de la tribu venus faire une ronde de surveillance autour de la maison. Ils ont été choqués de ce qui est arrivé et souhaitent mettre la main sur celui qui fait honte à leur île. Ce témoignage de sympathie et de solidarité parmi d'autres, qui ont été nombreux, nous apporte alors un bienfait énorme comme un baume sur une plaie. Nous ne nous sommes pas aperçus que par notre façon d'être, respectueuse et souriante, nous nous sommes créés sans le savoir des liens avec de nombreuses personnes que nous ne connaissons même pas ou seulement de vue. Lorsque P.J décrit l'individu aux 4 bienfaiteurs, il ne prête pas attention aux regards échangés entre les 4 hommes. Mais pour A.V et Yvon, c'est très clair : à l'écoute de la description les 4 hommes ont compris qui était l'individu et semblaient en être embarrassés... L'avenir donnera raison à cette impression. En retour, nous leur donnons des crêpes et une bouteille de rosé.


Mercredi 3 octobre : Dès 7h00, P.J est à son poste d'observation dans le salon avec sa batte, son appareil photo et son caméscope. Yann, un ami, nous apporte un téléphone filaire. Mais le gibier ne viendra pas. Depuis 2 jours, A.V et Yvon tentent de convaincre P.J de partir sur Nouméa. Mais depuis le début, P.J refuse car il se sent utile à l'enquête sur le terrain et pour fouetter les gendarmes. Dans l'après-midi, P.J est à bout de nerf à ronger sa batte dans la maison. Il dessine un portrait robot de l'agresseur qu'il remettra à la gendarmerie, et va chercher des billets d'avion pour Nouméa. Enfin, pendant qu'il griffonne quelques mots sur le bureau d'Yvon : « Je lâche prise... », A.V appelle notre bonne Nady, refuge de toutes les tempêtes ! Nous confions Toffee à Angie et Christophe, la poule et le coq à Yvon. A 19h30, nous foulons avec un soulagement immense le sol de Nouméa.




Réveil en sursaut à 1h00 du matin. Aboiements féroces et hurlements chez les voisins ! Nous sommes liquéfiés dans notre lit. P.J finit par s’extirper de sa peur et de son lit pour aller voir ce qui se passe. Il n'arrive pas à voir. Nady se lève aussi. Sous les yeux terrifiés de P.J, elle ouvre la porte et commence à fouler le pelouse en demandant : « Qu'est-ce qui se passe ? Mais, qu'est-ce qui se passe ? ». Ni une ni deux, P.J l'attrappe par la manche, la replante dans la cuisine et verrouille la porte. Il demande ensuite aux voisins par la fenêtre s'ils ont besoin d'aide, s'il s'agit d'une agression. A ce moment, la femme répond que non pas du tout, avec un ton à la fois un peu surpris et gêné. On apprendra par la suite que leurs chiens ont mangé un chat... Pas de quoi fouetter un chat donc, n'empêche que tout ce cirque nous a replongé dans de l'angoisse bien épaisse... Nady est impressionnée par l'état de P.J qui guettera toute la nuit.

Jeudi 4 octobre : Visite au médecin de famille de Nady qui est excellent. Au vu de l'état de stress de P.J (insomnies, angoisses, peur bleue du noir, épuisement) et le suivi d'A.V, il nous donne une lettre d'introduction pour décrocher des rendez-vous très rapidement chez un très bon psychiatre, un très bon gynécologue, et un arrêt de travail de 1 mois pour P.J. Il nous conseille de ne pas retourner à Maré. L'arrêt d’un mois paraît excessif à P.J, mais plus le temps passe, moins il se sent capable de rentrer à Maré le lundi suivant.

Vendredi 5 octobre : P.J décide d'emmener sa petite famille au Vice-Rectorat. Nous sommes presque immédiatement reçus par le Directeur de Cabinet bientôt rejoint par le Vice-recteur revenu de métropole. En attendant, le secrétariat est aux petits soins avec nous et Aloha qu’ils trouvent adorable. Puis on nous emmène dans un bureau. Le Directeur de Cabinet affiche sa sincère solidarité et la réassurance de son soutien dans cette épreuve. Le Vice-recteur, dans un registre de père de famille nous fait étalage de toute sa bonhomie. Mais le Vice-recteur va trouver la phrase salvatrice, frappée au coin du bon sens mais non encore dite jusqu'ici : « Vous ne retournez pas à Maré tant que l'agresseur n'est pas sous les verrous ». Par ailleurs, ils laissent entendre qu’ils examineront les possibilités de mutation sur Nouméa avec « bienveillance ».

Vendredi 5 octobre : Réveil en sursaut par les cris de Nady qui ne trouve pas les clefs de sa voiture alors qu'elle doit emmener son petit-fils à l'école. Elle s'affole complètement. Les cris mettent la tête de P.J à l'envers, qui recherche donc les clefs au mauvais endroit. 3 mn plus tard, P.J les retrouve dans son blouson, mais Nady est déjà en route avec le double des clefs. Tout ça pour ça. Même si les faits sont anodins, la décharge émotionnelle n'en est pas moins certaine pour P.J et pour Nady. P.J est embêté, mais visiblement pas assez, alors Nady en rajoute une couche en affirmant que Philippe a loupé une heure de cours à cause de moi. P.J ne sait plus où se mettre. Ce qui va envenimer les relations, c'est que P.J va découvrir auprès de Philippe qu'il n'en est rien ! Il a rejoint normalement sa classe dans l'escalier. P.J n'arrive pas à digérer. Les habitudes de Nady vont se faire de plus en plus contrariées ou contrariantes ; du plus anodin : du genre il ne faut pas que l’eau de la bouilloire boue sinon cela fait de la buée sur la porte du micro-onde, cela nous condamne à boire un thé absolument insipide… au plus irritant : c’est-à-dire les services commandés sur des tons d’adjudant, les réflexions blessantes, ou encore la préservation des habitudes à tout prix comme laisser la porte du four brûlant ouverte pour ne pas que de la buée se forme à l’intérieur, alors qu’Aloha va et vient dans la cuisine. P.J finira par claquer cette maudite porte…



Lundi 8 octobre : Coup de tonnerre sur Maré : Angie a été victime d'une tentative de viol à 14h30 chez elle. Christophe était parti faire cours. Elle était seule... avec Toffee. Il est entré dans la maison, a haussé le son de la chaîne hi-fi, puis a attrapé Angie dans le dos, une main sur sa bouche et l'autre frappant son dos avec une pierre. Il a ensuite essayé de lui déchirer ses vêtements et de l'embrasser. Elle lui a lancé un vif coup de pied dans les parties génitales, ce qui l'a paralysé un instant. Elle s'est alors enfuie chez les voisins. L'individu était masqué, Angie a juste pu lui enlever le tissu masquant le bas de son visage pour y découvrir une fine moustache se prolongeant en un bouc. Pendant ce temps, Toffee était en train de renifler le derrière d'un autre chien un peu plus loin... Du coup, c'est la psychose sur Maré pour tous les Zoreilles. Tout le monde se barricade et veut demander sa mutation. Tandis que l'enquête piétine, la Gendarmerie se mange une dose supplémentaire de pression. T.V, radio et journal se font l'écho de l'affaire. La gendarmerie se décide enfin à demander à P.J d'établir officiellement un portrait robot de l'agresseur car finalement il est le seul à l'avoir vu : A.V n'avait pas ses lunettes, et Angie ne l’a vu que masqué. Angie et Christophe restent 2 jours sur Maré puis rejoignent Nouméa où le Vice-Rectorat les loge à l'hôtel. Toffee, le gros inutile, est alors confié à Yvon, qui, avec humour, se demande si ce n'est pas un mauvais présage pour lui car toutes les victimes avaient un chien blanc !



Mercredi 10 octobre : Première rencontre avec le psychiatre pour nous deux. Il pense qu'A.V est hormonalement mieux protégée du choc de par sa grossesse, mais qu'il faudra être attentif au moment de la naissance. Il rassure P.J en lui assurant que sa réaction ainsi que sa peur et sa colère sont normales. P.J fait part aussi de sa douleur à avoir dû faire surgir de la violence du tréfonds de lui-même en un instant. Face à l'avalanche immédiate de violence, sa réaction lui est apparue comme très lente, un peu comme un ralenti de cinéma. Le psychiatre lui décrit comment le cerveau a besoin de temps pour réagir à quelque chose de complètement inattendu. Ce laps de temps qui paraît long est dans les faits assez court. Il lui prescrit 4 jours de somnifère car P.J est épuisé par ses nuits blanches, et un mois d'antidépresseurs. Il confirme en outre qu'un mois d'arrêt n'est pas du tout usurpé. P.J se décide alors à aller le déposer au Vice-Rectorat. Nous rentrons en bus. En l’attendant, notre attention est attirée par la radio qui crachote dans la galerie marchande voisine. Notre affaire est évoquée au journal radio de 18h00, suivie d’une interview d’Yvon, très pro et très clair, et le journaliste de conclure : « Le Vice-Rectorat assure le logement des victimes sur Nouméa, ainsi que leur protection »… A.V et P.J se regardent alors, mi-surpris, mi-amusé : « Quelque chose nous aurait-il échappé ? », pour le logement c’est certain, pour la protection, un bref coup d’œil circulaire autour de l’arrêt de bus plongé dans la nuit nous indique que nos gardes du corps sont très discrets...

Pendant ce temps, la mobilisation continue sur Maré : une marche contre la violence est organisée rassemblant une centaine de personnes partant du Collège de La Roche pour aller à la chefferie. Là, un document et des discours sont faits pour demander solennellement au Grand Chef, entouré des petits chefs, de livrer l'agresseur. Le porte-parole des parents d'élèves fait une déclaration surprenante en affirmant qu'au moins deux personnes ici savent qui est l'agresseur. Chez les coutumiers, on regarde ses chaussures.

La routine s'installe chez Nady : courses, cuisine, petit bricolage. Nous continuons de profiter de son hospitalité, car nous nous voyons mal toute la journée dans une chambre d'hôtel avec la petite. Aloha s'est bien faite au changement de cadre. Elle court partout, elle rit, elle danse, marche à reculons et fait des bisous. Le rituel s'est instauré sur les coups de 17h30, elle nous attrape la main pour la suivre dans le salon où il faut danser avec elle une espèce de danse espagnole, tapant des pieds en saccades et applaudissant. Elle sait aussi grimper à l'escabeau de la haie ou à l'échelle de la piscine que P.J et Nady ont installée : Il faut ouvrir l'oeil et le bon !

Dans la soirée, nous regagnons notre chambre. Nous dormons ainsi tous les trois dans la même chambre qui est assez petite : P.J, A.V et Aloha. Lorsque nous rentrons dans la chambre endormie, il nous revient une réminiscence des temps anciens. Le temps du marché de Flers le mercredi matin… Le temps de la crêpe succulente achetée à la caravane graisseuse… Le temps des Halles et du clou de la visite pour nous qui étions enfants : je veux parler du sous-sol des Halles… Là où s’entassaient poules, lapins, dindons, poussins, et canetons dans une semi-obscurité électrisante. Ce qui frappait en premier sur les marches s’enfonçant vers ce gouffre, ce n’était pas la grippe aviaire encore inconnue, ni le vacarme des volailles, mais l’odeur chaude et sucrée du caneton. En entrant dans cette chambre où le Lapin a les cheveux plaqués par le suint, ce sont ainsi des étalages entiers de canetons qui cancanent en battant des ailes dans notre mémoire. Ses parents se regardent en étouffant un éclat de rire… Un canard disait à sa canne : « Ricane ! », et sa canne a ri !

Jeudi 11 octobre : Premier jour de traitement pour P.J. Le médicament lui fait un effet énorme, mais pas forcément dans le sens attendu : angoisse, nervosité, impatience, manque de concentration, nausée, cerveau douloureux et envie de vomir dès qu'il baille, constipation, perte d'appétit, difficultés urinaires... Le psychiatre avait prévenu que les 3 premiers jours allaient être difficiles, cela c'est vérifié.

Vendredi 12 octobre : La gendarmerie de Tadine appelle pour savoir si P.J peut se rendre immédiatement à la Caserne Meunier de Nouméa pour une reconnaissance sur photos. Ensuite, il est soumis à P.J un « tapissage » de 20 photos. A priori, P.J n'a pas de reconnaissance immédiate sur un portrait précis. Il désigne alors 6 individus ressemblants sur les vingt. P.J qui garde un élément depuis le début comme sa botte secrète en cas de reconnaissance de l'individu, se décide toutefois à parler d'un bracelet à la main de l'agresseur. Ce bracelet est assez anodin et pas mal de jeunes en portent, mais en cas de confrontation à la gendarmerie face à des suspects, P.J avait alors gardé cet élément pour lui pour conforter sa conviction. Mais il choisit là de le dévoiler au cas où.

Mardi 16 octobre : Côté enquête, rien de nouveau. Des doutes de plus en plus grands nous habitent sur l'arrestation de l'agresseur. Tout le monde nous promettait une arrestation rapide car tout se sait sur une petite île. Alors chaque jour qui passe nous rend de plus en plus suspicieux sur la volonté de la chefferie de livrer l'agresseur dont nous ignorons encore l'identité. Yvon nous tient au courant de toute évolution. Il nous demande également s'il peut laver Toffee, car son odeur se fait de plus en plus fleurie...

Mercredi 17 octobre : Mauvais point pour nous, décerné par Nady, visiblement agacée, car nous n'avons pas écrasé les joints du robinet de la douche, du coup, la pomme a goutté pendant quelques heures. P.J se retient de dire que c'est une goutte d'eau comparativement à sa piscine qui vient d'engloutir 14 000 litres ! Ses petits-enfants abîmeront le tuyau de sa pomme de douche ? Voyant la contrariété poindre, nous lui remplacerons à nos frais tuyau et pomme. Aloha déchire une taie d’oreiller vieille de trente ans (c’est comme les amis de 30 ans, faut s’en méfier : ils vous lâchent d’un seul coup !) tellement celle-ci est usée ? Nous rachetons 2 taies d’oreiller. A.V trouve finalement que le plus dur est d’en trouver des aussi moches, à pois marrons et caca d’oie… Qu’à cela ne tienne, nous en achetons des plus belles assorties aux rideaux de la chambre ! Ah ! Nous, faut pas nous contrarier parce que l’on rend en double ! Les crottes dans la pelouse aussi sont en double… Non, non ! Aloha, dans son imitation de Toffee s’arrête, jusqu’à présent, au lapage de gamelle d’eau baveuse… Les crottes de Toffee sont quant à elles dédoublées par Chipie, la petite chienne du fils de Nady en pension quelques jours. Autre mesquinerie : nous nous sommes rendus compte que si nous ramassions toutes les crottes de la pelouse, Nady quant à elle s’en tenait fièrement aux crottes du chien de son fils ! C’est certainement une question de goût…


Dimanche 21 octobre : Nouvelle convocation à la Caserne Meunier pour un nouveau tapissage de 20 photographies. Nous laissons Aloha à Nady et nous y allons ensemble. Convoqué à 8h00, les gendarmes ne seront prêts qu'à 10h15 ! Cette fois-ci, un individu se dégage de l'ensemble aux yeux de P.J. Cette fois-ci, on le tient ! Il a également le bracelet, cela a aussi servi aux gendarmes et P.J n'a pas eu besoin de celui-ci pour le reconnaître. Il s'agit d'un certain Tahmumu Yengo, fils du chef de clan de Ceni, neveu du Grand Chef de La Roche, ceci expliquant cela... Nous retournons chez Nady à 11h30. Nous la retrouvons dans un état de stress avancé. Nous avons laissé la porte de devant du garage ouverte (parce que les portes de côté, on a le droit de les laisser ouvertes...) et comme elle croyait que sa 2e télécommande ne fonctionnait pas elle n'a pas pu la fermer (or il s'avère que la 2e fonctionne). En plus, elle s'inquiétait de ne pas nous voir revenir, donc on aurait pu lui téléphoner (mais nous n'y avons pas songé un seul instant à la gendarmerie). De surcroît, Aloha s'est pincée les doigts dans la porte et elle ne savait pas quoi faire. Bref, le monde s'écroulait, et nous, nous étions insouciants. La concentration sur les photos a replongé P.J dans les évènements. Il a du mal à encaisser la décharge de stress délivrée par Nady.



Lundi 22 octobre : La Gendarmerie de Tadine hausse le ton avec le Grand Chef de La Roche, et accentue la pression sur lui. Il craque et convoque tous les petits chefs de la tribu. Ceux qui ont vu ou entendu des choses doivent maintenant aller jusqu'au bout de leurs déclarations en allant les signer sur un P.V. à la gendarmerie. Alors, les choses bougent enfin. Il est extrêmement difficile voire impossible pour les mélanésiens sans rang social, et donc complètement inhibés, de dénoncer un fils de chef. D'autant plus que les blancs partiront tandis que le fils Yengo, lui, reviendra, et deviendra chef à son tour, alors le choix est tout de suite vu. Mais là le Grand Chef a enfin pris sa décision. Cela a été long et complexe, mais après tergiversations, il est maintenant ferme. Il a aussi dû composer avec la douleur du Père de l'agresseur, le chef de Ceni, dont le fils aîné est mort. Il ne lui reste plus que ce Tahmumu. Alors avec l'énergie du désespoir, il a exercé une forte pression pour que le Grand Chef ne le lâche pas. Et puis pour les coutumiers, il est difficile de livrer quelqu’un à la gendarmerie dans le sens où cette concurrente vide leur autorité. Autrefois, lorsqu’un individu avait un comportement déviant, la tribu lui donnait une sévère correction. Maintenant, si cette même correction est infligée, l’individu va porter plainte à la gendarmerie. L’autorité du Grand Chef est donc écornée tandis que celle de la gendarmerie tente de s’imposer mais n’est pas reconnue comme tout à fait légitime. Entre ces deux tendances flotte un flou artistique.


Yvon nous confirme que l’individu a été vu en fin d’après-midi chez « Pa’ Ola », puis près de la cabine téléphonique à côté du Collège. Il aurait déclaré à d’autres jeunes de la tribu : « J’vais m’la faire la gada ! ». Gada veut dire blanche.

A Nouméa, nous savourons notre plaisir de voir à nouveau notre bébé à l'échographie. Le pédiatre nous fait entrer dans une petite pièce Il brandit une sonde qu'il promène sur le ventre d'A.V qui tourne la tête dans tous les sens ainsi que P.J pour chercher l'écran. Mais il n'y a pas d'écran, le médecin écoute simplement les battements de coeur du bébé dans un bruit de spoutnik ! La déception est à son comble ! La médecine soviétique fait encore des ravages...

Mardi 22 octobre : Nous mangeons chez Angie et Christophe. Ils habitent maintenant un superbe F3 meublé à la Casa del Sol avec vue sur la Baie des citrons payé par le Vice-Rectorat. Nous contactons immédiatement le Vice-Rectorat pour réclamer la même chose. Le Directeur de Cabinet nous fait part du manque de crédits et nous enjoint de prendre patience... Par ailleurs, le poste sur Nouméa est de plus en plus compromis : il n'y a pas de poste de Gestionnaire comptable de vacant et pas de mouvement en vue d'ici septembre 2008 ! Et encore ! Pour l'instant, en septembre 2008, il n'y a qu'un poste d'attaché au Lycée Lapérouse en tant que non gestionnaire non logé... Ces nouvelles accentuent notre raz le bol. La situation est insupportable chez Nady (A.V a même frisé le malaise vagal dans la cuisine tellement la tension est forte, ça ne lui était pas arrivé depuis ses premières opérations à l'école vétérinaire à Maisons-Alfort !), on nous refuse un logement par faute de crédits, et la perspective d'un nouveau poste s'assombrit. Nous commençons dès cette date à réfléchir à un retour anticipé en métropole, du moins pour les vacances, sinon définitivement.


Mercredi 23 octobre : Nous prenons l'avion pour Maré, tout comme Christophe et Angie pour une reconnaissance physique de l'individu à la gendarmerie. Nous quittons le PK 6 de chez Nady à 5h30 avec Aloha sous le bras. A Maré, Yvon nous accueille. Nous retrouvons la maison, et nous sommes rassurés de voir que nous ne sommes pas assaillis de flash de souvenirs. Aloha est toute heureuse de retrouver ses jouets et court partout. Nous, nous sommes content également de pouvoir récupérer des habits car nous tournions sur les mêmes prévus initialement pour 5 jours. Toffee est fou de joie. Il sent effectivement très mauvais ! Yvon qui n'a pas eu le temps de le laver a tout de même pris sur lui pour le faire coucher chez lui le soir. Si le coq est amaigri, il est toujours vivant. Par contre, la poule a mystérieusement disparu quelques jours après notre départ... De leur côté, Angie et Christophe ne retrouvent plus leurs 4 chats, et la capote de leur 4L spéciale est lacérée... Comme nous, ils ont ramené des victuailles à Yvon pour son soutien indéfectible et son humanité profonde. Nous lui avons laissé une glacière de chocolats, de foie gras, de gâteaux, de cassoulets fins et des journaux. Depuis sa prise de fonction en août dernier, il n'a pas eu un moment de répit. Il percevait autrement le charme des îles ! P.J profite du voyage pour signer tout ce qu'il peut au Collège. Nous mangeons le midi avec des amis en plus d'Angie et Christophe. Ils nous rapportent tous les ragots de la période. Il nous font part des horreurs sur le lourd passé de Yengo, sur le déni de l'agression envers Angie ("La malgache, elle a tout inventé" - notez qu'elle est fidgienne), la minimisation de l'agression chez certains mélanésiens ou gendarmes. Bref, ils réussissent à bien nous dégoûter, mais nous gardons quand même un peu de recul par rapport à ces propos. Nous filons à 12h30 à la Mairie afin de voir si, par miracle, le passeport d'A.V est arrivé. A.V ressort quelques minutes après, impassible, P.J craint alors le pire, mais non ! Tout est OK, elle a son passeport dans son sac ! Comme quoi, on s'habitue même aux miracles ! Nous sommes convoqués à 13h00 à la Gendarmerie pour cette reconnaissance physique. Un gendarme nous accueille en nous demandant de bien vouloir repasser un peu plus tard car tous les suspects ne sont pas encore arrivés, et il ne voudrait pas que nous les croisions... Nous sommes déjà tous stressés, alors ce cafouillage nous fait bouillir intérieurement. Nous revenons 1/2 heure plus tard, même discours gêné et gros bouillonnement intérieur... A 14h15, tout le monde est enfin là. Il n'y a pas de glace sans teint, alors les gendarmes disposent les 5 individus dans la cour intérieure, et nous devons les observer à chacun notre tour à travers les stores d'un bureau. P.J reconnaît immédiatement Yengo, Angie est soulagée d'apprendre qu'elle vient de désigner le même individu que P.J. Le suspect est alors immédiatement mis en cellule. Nous entendrons les gendarmes téléphoner partout avec un zèle peu coutumier pour que Yengo soit transféré dès demain matin si ce n'est ce soir sur Nouméa. Visiblement, ils ne veulent pas rester longtemps avec le lascar ! Nous retournons à La Roche satisfaits. Visiblement, les gendarmes ont collectés de nombreux témoignages des gens de la tribu depuis la mise au point du Lundi. A.V prépare alors les valises dans l'optique d'un hypothétique départ anticipé, tandis que P.J retourne au bureau. A.V viendra le chercher par la peau du cou à 18h30 alors que l'avion est à 19h00 ! La tombée de la nuit rend P.J très nerveux, mais au final nous sommes contents de ce voyage que nous appréhendions fortement. Le soir, complètement épuisés, nous dormons comme des loirs ! C'est le début de la reconquête du sommeil. Paradoxalement, plus nous dormirons les jours suivant plus nous serons fatigués, signe d'un rattrapage certain.

Jeudi 24 octobre : Notre avocate nous confirme que Yengo a bien été placé en détention provisoire à la prison de Nouméa.

Nous allons nous rincer la tête à l’aquarium de Nouméa.











Vendredi 25 octobre : Echographie à l’hôpital de Magenta. Aloha fait son premier caca dans son pot. Est-ce un signe ? Sera-ce une fille ou un garçon ? Bien malin qui peut jouer les pythie dans le pot du Lapin…

Lundi 29 octobre : P.J se rend au Vice-Rectorat pour demander à nouveau à être logé. Seul le sercrétariat est présent, mais P.J met bien les choses au clair. Pourtant, le message restera lettre morte... du moins en apparence.


Mardi 30 octobre : Nous partons faire les courses. Depuis que nous sommes chez Nady, nous prenons tout en charge, les courses, l'essence, les petits-enfants à aller chercher et conduire à l’école, en stage, ou au foot, les courses de sa fille, le gaz (une bouteille), plus un dédommagement financier forfaitaire par semaine d'occupation qui couvre largement ce qui reste, c'est à dire pas grand choses si ce n'est l'électricité… et la gêne occasionnée. P.J ne se sent pas en forme et laisse les clefs à A.V pour les conduire au retour des courses. A l'arrivée, P.J décharge le coffre de la voiture avec A.V. Ensuite P.J prend le bus pour son rendez-vous chez le sophrologue. Et pendant son absence va se jouer un drame... Nady doit aller conduire sa fille à l'hôpital pour une opération prévue de longue date. Mais au moment de partir, pas moyen de trouver les clefs de la voiture. Crise d'hystérie de Nady qui appelle au secours, qui pleure et crie : "Mais comment je vais faire !!! Mais qu'est-ce que je peux faire !!!". Là-dessus, elle appelle sa fille pour la prévenir de son retard et se fait copieusement enguirlander ! Ce qui n'arrange rien à l'état de Nady au contraire... A.V finira par les retrouver sur la serrure du coffre. Mais pour Nady, il est bien évident que ce problème de clefs et l'engueulade de sa fille sont de la faute de P.J. Rentrant de son sophrologue, A.V ne sait comment lui annoncer l'esclandre. Elle finit par lui dire, mais c'est plus que ne pouvait supporter P.J. Il s'enferme alors dans sa bulle. En présence de Nady, il ne sera plus qu'un légume. Ce n'est que dans la soirée qu'elle repensera : "Oh bah dis-donc ! J'ai même pas pensé au double de clef". Depuis cette date, P.J refusera de toucher à la voiture, bientôt suivi d’A.V dans ce boycott. Il retrouve ses vieilles amours : un vélo avec le quel il fait maintenant toutes ses démarches. Quant aux courses et aux gens à aller chercher, ce n'est plus son problème. Et ça tombe mal pour Nady, car elle somatise à mort. Après les crampes, elle souffre maintenant d’une sciatique. Pour nous, il est évident que son état découle du climat délétère qu’elle crée autour d’elle. Mais nous sommes sidérés de voir qu’elle préfère accuser la pluie qui s’annonce comme source de crampes et de sciatique au lieu de prendre conscience qu’elle crée tout cela… Nous nous déplaçons maintenant en bus lorsque nous nous déplaçons ensemble. Comme nous sommes fauchés, nous ne pouvons louer de voiture à la semaine ! 2 ou 3 fois où Nady insistait avec colère pour que nous réempruntions la voiture, il s'est avéré que sa fille ou son fils en avait besoin d'urgence. Il y aurait encore eu des histoires. Crise de confusion pour Nady qui demande à A.V quel jour on est, quel heure il est, où nous sommes, … et si elle a utilisé de l’insecticide !



Vendredi 2 novembre : Nous dînons chez nos amis vétérinaires (les copains de promo d'A.V), Catherine et Aaron. Nous passons une excellente soirée et nous invite à une partie de défrichage dimanche. Ils ont 30 hectares de broussailles du côté de Bouloupari, mais avec vue sur la mer !












Dimanche 4 novembre : Bolée d'air pur à Camp brun, chez Catherine et Aaron. La grandeur de leur terrain est impressionnante, et le travail colossal. Nous sommes bien content de n'avoir que 2 hectares dans le Limousin ! Aaron et P.J échangent leurs rêves de tracteurs tandis qu'A.V et Catherine s'émerveillent de leurs marmots. Superbe journée, ça fait un bien fou.


Lundi 5 octobre : "Bah puisque t'es parti défricher 30 ha, tu peux bien me tondre la pelouse !". C'est si gentiment demandé que P.J a envie d'exploser. Mais Nady a tous les droits car elle est chez elle et elle nous accueille, alors au nom de cela, nous ne pouvons rien dire. P.J la fera.



Aloha profite de la piscine, c'est un vrai bonheur pour elle. Elle s'amuse comme une folle et apprend notamment à nager en petit chien ou à plonger de l’échelle ! P.J se rend compte combien le travail lui a amputé d'heures avec sa fille. Il profite de son bonheur avec elle. Aloha est pendant cette période le principal rayon de soleil et le médicament pour nous tous dans cette maison infernale. C’est elle qui nous a fait tenir.






Lundi 12 octobre : Christophe s'est entendu avec le Vice-Rectorat pour reprendre le travail à Maré. Angie quant à elle prend un avion pour Fidji en attendant les vacances. A.V croit avoir compris de la bouche d'Angie que le Vice-Rectorat a pris en charge le billet d’avion d'Angie. "Ils se sont bien débrouillés, eux !" lance Nady avec élégance... En fait il n'en est rien et il n’en a jamais été question.



Mardi 13 octobre : La proximité de notre départ détend un peu l'atmosphère, et nous comptons les jours, les heures même ! P.J fait son maximum pour aider à distance les gestionnaires de Maré.

Jeudi 15 novembre : Nous profitons de la location de voiture pour notre trajet à l’aérodrome demain matin, pour nous promener un peu, changer d’air.

Vendredi 16 novembre : Décollage à 8h00 de Nouméa. A Sydney, nous n’arrivons plus à retrouver notre fille parmi les Koalas !





















Samedi 17 novembre : Atterrissage à Roissy à 6h00. Le voyage s’est bien déroulé, même s’il reste pénible et fatigant. Nous sommes heureux de revoir François-Xavier qui vient nous chercher à l’aéroport.

Dimanche 18 novembre : Aloha est complètement décalée. Elle entame sa nuit à 13h00 et se réveille à minuit…

Mais peu à peu la vie reprend ses droits à coup de camembert, de cidre, …de pluies glacées vivifiantes qui donnent aux normandes leurs joues rouges. Le plaisir de revoir la famille et le spectacle d’Angèle et Aloha, les deux petites cousines complices, sont la sève des nouveaux jours. Avec le temps, le trouble, la fatigue et l’anxiété laisseront place à l’acquis de cette expérience humaine, à une connaissance plus profonde de nous-même et du monde. Rien n’est à regretter finalement.

Anne-Violaine, Pierre-Jean et Aloha.